Un des messages les plus clairs d’Ahimsa est également le plus simple : le pouvoir du partenariat, de la coopération et des réseaux.

C’est un message important dans tout le travail d’Ahimsa mais peut-être le plus évident lorsqu’on aborde les questions difficiles de l’accessibilité : comment rendre accessibles aux plus pauvres et aux plus vulnérables les technologies à la pointe de l’innovation dans le domaine de la santé qui améliorent leurs vies ?

L’accessibilité et les inégalités sont des problèmes qui touchent la quasi totalité des domaines de la santé, même les interventions les plus connues. Nous sommes par exemple encore très loin de la vaccination universelle ou d’un accès total à l’eau potable et à des toilettes fonctionnelles.

Dans ce contexte, les paradoxes sont multiples. D’une part, nous avons besoin de nouvelles technologies pour apporter des gains marginaux et une amélioration en nous attaquant aux problèmes complexes de la santé avec des solutions nouvelles, performantes et évolutives. D’autre part, faire le plus de bien possible signifie souvent que l’augmentation de l’accessibilité est plus importante que la technologie proprement dite et les interventions les plus efficaces ne sont pas toujours les meilleures innovations ou les mesures les plus évoluées technologiquement. Par exemple, on estime que le projet d’un hôpital universitaire genevois ayant pour simple objectif l’incitation au lavage des mains permettrait, par une simple action d’hygiène,  de sauver huit millions de vies par an.

Bien sûr, il est possible d’atteindre le bon équilibre lorsque tous ces facteurs sont réunis : l’invention des traitements antirétroviraux contre le VIH a été un progrès technologique considérable, par exemple, mais n’a été réellement efficace globalement qu’une fois qu’il a été suivi des instruments et modèles économiques créés pour augmenter leur disponibilité. Cette percée a été favorisée par les relations toujours productives entre les scientifiques, les activistes, les politiques, les bailleurs de fonds, les laboratoires pharmaceutiques et bien d’autres encore.

Les partenariats nécessaires pour développer les idées présentent une sorte de paradoxe : ils peuvent être un facteur limitatif paralysant dans les cas où les acteurs ne peuvent pas ou ne veulent pas coopérer et ils ne peuvent donc pas voir le jour mais ils peuvent aussi être la clé qui ouvre la porte aux gains potentiels les plus élevés.

Dans ce contexte, Ahimsa travaille sur un type de réunion innovant. Cette manifestation annuelle, dont la première édition se tiendra en octobre 2018, portera le nom d’Ahimsa Round Table ou ART et sera centrée sur l’importance du travail en collaboration. “L’idée principale” explique le fondateur d’Ahimsa, Jean-François de Lavison, “est de montrer comment nous devons briser les compartiments existants dans lesquels nous travaillons. Nous avons besoin d’une approche plus globale, avec la présence de tous les acteurs autour de la table : sociétés privées, ONG, société civile, universitaires et autres. Le regroupement de tous ces acteurs est un moyen plus performant d’aborder la santé mondiale.”
ART est un modèle nouveau : un petit nombre de participants vont se réunir, représentant différents secteurs du domaine de la santé, dont des sociétés privées, des ONG et des organisations internationales. Ils viendront avec des idées et des technologies, dans une sorte de bazar virtuel : certains voudront partager leur technologie, d’autres viendront écouter. Ils seront entourés de représentants des fondations, universités, associations d’étudiants, incubateurs, universitaires et entrepreneurs sociaux, désireux de nouer des relations et de développer des idées. Chacun recherchera des partenaires pour trouver le moyen de rendre les meilleures idées accessibles et abordables.

Ahimsa crée des réseaux depuis des années, avec des sociétés industrielles, des organisations de terrain, des incubateurs économiques, des créateurs, des entrepreneurs et des jeunes, dans l’optique de créer des modèles économiques rentables et durables en matière de santé qui soient supérieurs à la somme de leurs composants. L’objectif fixé pour ART est de tirer parti de cette initiative, en devenant une manifestation annuelle, offrant aux participants la possibilité de se réunir régulièrement, de présenter et de partager leurs travaux et de construire une banque d’expérience au fil du temps qui pourrait jouer le rôle de multiplicateur de force pour leurs idées.

Lorsque le forum aura acquis de la maturité, les partenaires travailleront sur ces idées entre les rencontres, en présentant les résultats aux réunions. L’édition initiale de ART 2018 constituera une plate-forme de départ, avec l’objectif de sélectionner deux ou trois technologies innovantes et le même nombre d’idées nouvelles dont les propriétaires se sont engagés à travailler de cette manière, puis à les utiliser pour lancer le principe et s’engager à travailler et à partager à l’avenir. L’objectif de ART est un mouvement : #AhimsaInnovation.

#AhimsaInnovation combinera innovation et investissement à impact social et se tiendra chaque année. Son objectif sera d’identifier des projets innovants (Innovation) et des équipes de travail (Incubateurs) pour proposer des solutions concrètes (Accélérateur) de mise sur le marché de ces innovations technologiques et les faire contribuer à l’innovation sociale et à la liberté d’action des plus défavorisés.

L’objectif, selon les termes de JF de Lavison, consiste à créer “une sorte de Davos de la pauvreté, de la santé mondiale et de l’entreprenariat social.”

ART aura aussi un objectif de promotion. Comme le souligne JF de Lavison “nous avons un grand nombre d’initiatives réussies sur le terrain mais nous n’en parlons jamais. Il faut que les gens comprennent que, si nous voulons réellement servir les populations les plus vulnérables dans le monde, nous devons unir nos efforts.”

L’idée de la collaboration n’est évidemment pas nouvelle. Il ne manque pas de personnes et d’organisations qui prônent des partenariats et des synergies pour résoudre les problèmes mondiaux et de très grosses organisations multilatérales ont été créées sur ces principes : STOP TB Partnership, Roll Back Malaria, UNAIDS, plus récemment Defeat-NCD, etc. Dans le secteur privé, les sociétés sont de plus en plus jugées sur les aspects sociaux de leur activité. Les investisseurs s’intéressent de plus en plus à l’équilibre des sociétés entre les différents aspects sociaux et commerciaux, en particulier quand elles travaillent dans le monde en voie de développement. Le progrès est en marche. Cependant, la tâche n’est pas encore terminée et des gains considérables sont encore possibles. Certaines organisations internationales restent méfiantes vis-à-vis du secteur privé ; les sociétés travaillant dans les pays en voie de développement ne font pas confiance aux ONG ; partout, il existe des occasions de pousser davantage à une véritable coopération.

Dans ce contexte, le monde possède une ressource abondante bien que trop souvent négligée : les jeunes. “Ils sont moins réticents à travailler de cette manière que les générations précédentes” affirme JF de Lavison. “Ils sont beaucoup plus ouverts, beaucoup plus flexibles, réceptifs. L’idée n’est pas d’opposer les jeunes générations aux générations plus anciennes mais de les faire travailler ensemble.”

La conclusion, selon JF de Lavison, permet d’être optimiste. “Actuellement, nous disposons de tout ce qui est nécessaire ; tout ce dont nous avons besoin existe. Ce qui manque, c’est le leadership. C’est une question de leadership, d’encadrement et de coordination. Nous pouvons réussir beaucoup mieux que nous ne le faisons actuellement. Pour cela, nous avons besoin de leaders. ART et #Ahimsainnovation nous aideront à les trouver et à les former.”